Le singe et le crocodile

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Écoutez l’ensemble des stances, récitées en sanskrit par Jyoti Garin.

पञ्चतन्त्रे
लब्धप्रणाशम् चतुर्थतन्त्रम्
Pañcatantra (livre 4)
La perte du bien acquis (stances)
Traduction : Sophie-Lucile Daloz
समुत्पन्नेषु कार्येषु बुद्धिर्यस्य न हीयते।
स एव दुर्गं तरति जलस्थो वानरो यथा॥१॥
Dans les vicissitudes de l’existence, seul celui qui garde son sang froid
Traverse le danger, tel le singe ballotté par les flots [1]
“प्रियो वा यदि वा द्वेष्यो मूर्खो वा यदि पण्डितः।
वैश्वदेवान्तमापन्नः सोऽतिथिः स्वर्गसंक्रमः॥२॥
न पृच्छेञ्चरणं गोत्रं न च विद्यां कुलं न च।
अतिथिं वैश्वदेवान्ते श्राद्धे च मनुरब्रवीत्॥३॥
दूरमार्गश्रमश्रान्तं वैश्वदेवान्तमागतम्।
अतिथिं पूजयेद्यस्तु स याति परमां गतिम्॥४॥
अपूजितोऽतिथिर्यस्य गृहाद्याति विनिःश्वसन्।
गच्छन्ति विमुखास्तस्य पितृभिः सह देवताः”॥५॥
« Qu’il soit aimé ou détesté, qu’il soit stupide ou savant
L’hôte qui survient à la fin d’un sacrifice à tous les dieux est un accès au paradis ». [2]
Manu disait : « Qu’on ne questionne pas l’hôte survenu à la fin d’un rite funéraire ;
Qu’on ne le questionne ni sur sa conduite, ni sur sa famille, ni sur son savoir, ni sur sa lignée. [3]
Celui qui honore l’hôte venu à la fin du sacrifice à tous les dieux, épuisé par un long voyage,
Celui-là atteint le but suprême. [4]
Les dieux et les ancêtres se détournent de celui qui laisse partir son hôte empli de soupirs
Pour ne pas y avoir reçu les égards dus à sa qualité ». [5]
एकं प्रसूयते माता द्वितीयं वाक् प्रसूयते।
वाग्जातमधिकं प्रोचुः सोदर्यादपि बान्धवात्”॥६॥
La mère enfante l’un, la parole enfante l’autre
On dit que ce qui est enfanté par la parole est supérieur au lien même de la fraternité ». [6]
साह्लादं वचनं प्रयच्छसि न मे नो वाञ्छितं किञ्चन,
प्रायः प्रोच्छ्वसिषि द्रुतं हुतवहज्वालासमं रात्रिषु।
कण्ठाश्लेषपरिग्रहे शिथिलता यन्नादराच्चुम्बसे,
तत्ते धूर्त हृदि स्थिता प्रियतमा काचिन्ममेवाऽपरा॥७॥
Tu ne m’offres aucun mot doux, ni me n’offres aucun plaisir
La nuit, souvent, ta respiration est semblable à la flamme du feu,
Mais c’est la mollesse qui caractérise les embrassements de nos gorges.
C’est une autre chérie, scélérat, qui a pris place dans ton cœur, non moi ! » [7]
“मयि ते पादपतिते किङ्करत्वमुपागते।
त्वं प्राणवल्लभे कस्मात्कोपेन कोपमेष्यसि”॥८॥
« Pourquoi, ma bien-aimée, continuer à lancer tes foudres contre moi ?
Ne suis-je pas tombé à tes pieds, me traînant comme une loque ? » [8]
सार्धं मनोरथशतैस्तव धूर्त ! कान्ता, सैव स्थिता मनसि कृत्रिमभावरम्या।
अस्माकमस्ति न कथञ्चिदिहावकाशस् तस्मात् कृतं चरणपातविडम्बनाभिः॥९॥
« Gredin ! Avec tes cent désirs, c’est à ta maîtresse que tu penses, cette ensorceleuse aux mille charmes.
Nous n’avons pas notre place ici. Aussi, que cessent ces singeries et relève toi ! » [9]
वज्रलेपस्य मूर्खस्य नारीणां करकटस्य च।
एको ग्रहस्तु मीनानां नीलीमद्यपयोस्तथा॥१०॥
Oui vraiment, l’emprise du ciment, des idiots, des femmes, des crabes,
des poissons, de l’indigo, des boissons alcoolisées est unique. [10]
ब्रह्मघ्ने च सुरापे च चौरे भग्नव्रते शठे।
निष्कृतिर्विहिता सद्भिः कृतघ्ने नास्ति निष्कृतिः॥११॥
« Pour le tueur de brahman, pour l’ivrogne, pour le voleur, pour le violeurs d’observances
Les sages accordent l’expiation. Pour l’ingrat, que nenni ! » [11]
वर्जयेत् कौलीकाकारं मित्रं प्राज्ञतरो नरः।
आत्मनः संमुखं नित्यं य आकर्षति लोलुपः॥१२॥
« Que l’homme doué de sagesse s’écarte de l’ami, qui, empli d’avidité,
tire tout à lui, tel le geste du tisserand (avec son peigne). » [12]
ददाति प्रतिगृण्हाति गुह्यमाख्याति पृच्छति।
भुङ्ते भोजयते चैव षड्विधं प्रीतिलक्षणम्॥१३॥
« On donne, on reçoit, on confie un secret, on interroge,
On mange et on fait manger. Là sont précisément les six sortes d’un signe d’affection. » [13]
न विश्वसेदविश्वस्ते विश्वस्तेऽपि न विश्वसेत्।
विश्वासाद्भयमुत्पन्नं मूलान्यपि निकृन्तति॥१४॥
Qu’il ne fasse point confiance à celui qui n’est pas digne de confiance, même celui qui est digne de confiance, qu’il ne lui fasse point confiance.
Le doute, né de la confiance, fauche même les racines ! [14]
सकृद्दुष्टं च यो मित्रं पुनः सन्धातुमिच्छति।
स मृत्युमुपगृह्णाति गर्भमश्वतरी यथा॥१५॥
Quiconque veut se réconcilier de nouveau avec un ami qui a été une seule fois méchant,
Celui-ci reçoit la mort telle une ânesse1. [15]
बुभुक्षितः किं न करोति पापं, क्षीणा नरा निष्करुणा भवन्ति।
आख्याहि भद्रे ! प्रियदर्शनस्य, न गङ्गदत्तः पुनरेति कूपम्॥१६॥
« Quel péché ne commet pas un affamé ! Les hommes altérés sont sans pitié.
Ô bien-aimée ! Va dire (au serpent) Priya-darshana2 que (la grenouille) Ganga-datta3 n’ira plus au puits. » [16]
1 On raconte que lorsqu’une ânesse éprouve les douleurs de l’accouchement, son ventre explose et lorsque l’ânon est né, elle meurt. Ici, pas de rémission pour cette ingratitude de la part du crocodile !
2 Nom propre, « Charmante-vision ».
3 Nom propre, « Don du Gange ».

Écoutez l’ensemble des stances, récitées en sanskrit par Jyoti Garin.

pañcatantre
labdhapraṇāśam - caturthaṁ tantram
Pañcatantra (livre 4)
La perte du bien acquis
Traduction : Sophie-Lucile Daloz
samutpanneṣu kāryeṣu buddhiryasya na hīyate।
sa eva durgaṁ tarati jalasthaḥ vānaraḥ yathā॥1॥
Dans les vicissitudes de l’existence, seul celui qui garde son sang froid
Traverse le danger, tel le singe ballotté par les flots [1]
priyaḥ vā yadi vā dveṣyaḥ mūrkhaḥ vā yadi paṇḍitaḥ।
vaiśva-deva-antam-āpannaḥ saḥ-atithiḥ svarga-saṁ-kramaḥ॥2॥
na pṛcchet-caraṇaṁ gotraṁ na ca vidyāṁ kulaṁ na ca।
atithiṁ vaiśva-deva-ante śrāddhe ca manuḥ-abravīt॥3॥
dūra-mārga-śrama-śrāntaṁ vaiśva-deva-antam-āgatam।
atithiṁ pūjayed-yaḥ-tu sa yāti paramāṁ gatim॥4॥
apūjitaḥ atithiḥ yasya gṛhād-yāti vi-niḥ-śvasan।
gacchanti vi-mukhaḥ-tasya pitṛbhiḥ saha devatāḥ॥5॥
« Qu’il soit aimé ou détesté, qu’il soit stupide ou savant
L’hôte qui survient à la fin d’un sacrifice à tous les dieux est un accès au paradis ». [2]
Manu disait : « Qu’on ne questionne pas l’hôte survenu à la fin d’un rite funéraire ;
Qu’on ne le questionne ni sur sa conduite, ni sur sa famille, ni sur son savoir, ni sur sa lignée. [3]
Celui qui honore l’hôte venu à la fin du sacrifice à tous les dieux, épuisé par un long voyage,
Celui-là atteint le but suprême. [4]
Les dieux et les ancêtres se détournent de celui qui laisse partir son hôte empli de soupirs
Pour ne pas y avoir reçu les égards dus à sa qualité ». [5]
ekaṁ prasūyate mātā dvitīyaṁ vāk prasūyate।
vāg-jātam adhikaṁ procuḥ sodaryād api bāndhavāt॥6॥
La mère enfante l’un, la parole enfante l’autre
On dit que ce qui est enfanté par la parole est supérieur au lien même de la fraternité ». [6]
sāhlādaṁ vacanaṁ prayacchasi na me no vāñchitaṁ kiñcana
prāyaḥ procchvasiṣi drutaṁ hutavaha-jvālā samaṁ rātriṣu।
kaṇṭhāśleṣa-parigrahe śithilatā yan nādarāt cumbase
tat te dhūrta hṛdi sthitā priyatamā kācin mamevā’parān॥7॥
Tu ne m’offres aucun mot doux, ni me n’offres aucun plaisir
La nuit, souvent, ta respiration est semblable à la flamme du feu,
Mais c’est la mollesse qui caractérise les embrassements de nos gorges.
C’est une autre chérie, scélérat, qui a pris place dans ton cœur, non moi ! » [7]
mayi te pāda-patite kiṅkaratvam upāgate।
tvaṁ prāṇa-vallabhe kasmāt kopane kopam eṣyasi॥8॥
« Pourquoi, ma bien-aimée, continuer à lancer tes foudres contre moi ?
Ne suis-je pas tombé à tes pieds, me traînant comme une loque ? » [8]
sārdhaṁ manorathaśataistava dhūrta kāntā saiva sthitā manasi kṛtrimabhāvaramyā।
asmākamasti na kathañcidihāvakāśastasmāt kṛtaṁ caraṇapātaviḍambanābhiḥ॥9॥
« Gredin ! Avec tes cent désirs, c’est à ta maîtresse que tu penses, cette ensorceleuse aux mille charmes.
Nous n’avons pas notre place ici. Aussi, que cessent ces singeries et relève toi ! » [9]
vajralepasya mūrkhasya nārīṇāṁ karakaṭasya ca।
eko grahastu mīnānāṁ nīlīmadyapayostathā॥10॥
Oui vraiment, l’emprise du ciment, des idiots, des femmes, des crabes,
des poissons, de l’indigo, des boissons alcoolisées est unique. [10]
brahmaghne ca surāpe ca caure bhagnavrate śaṭhe।
niṣkṛtirvihitā sadbhiḥ kṛtaghne nāsti niṣkṛtiḥ॥11॥
« Pour le tueur de brahman, pour l’ivrogne, pour le voleur, pour le violeurs d’observances
Les sages accordent l’expiation. Pour l’ingrat, que nenni ! » [11]
varjayet kaulīkākāraṁ mitraṁ prājñataro naraḥ।
ātmanaḥ saṁmukhaṁ nityaṁ ya ākarṣati lolupaḥ॥12॥
« Que l’homme doué de sagesse s’écarte de l’ami, qui, empli d’avidité,
tire tout à lui, tel le geste du tisserand (avec son peigne). » [12]
dadāti pratigṛṇhāti guhyamākhyāti pṛcchati।
bhuṅte bhojayate caiva ṣaḍvidhaṁ prītilakṣaṇam॥13॥
« On donne, on reçoit, on confie un secret, on interroge,
On mange et on fait manger. Là sont précisément les six sortes d’un signe d’affection. » [13]
na visvasedaviśvaste viśvaste’pi na viśvaset।
vaśvasadbhayamutpannaṁ mūlānyapi nikṛntati॥14॥
Qu’il ne fasse point confiance à celui qui n’est pas digne de confiance, même celui qui est digne de confiance, qu’il ne lui fasse point confiance.
Le doute, né de la confiance, fauche même les racines ! [14]
sakṛdduṣṭaṁ ca yo mitraṁ punaḥ sandhātumicchati।
sa mṛtyumupagṛhṇāti garbhamaśvatarī yathā॥15॥
Quiconque veut se réconcilier de nouveau avec un ami qui a été une seule fois méchant,
Celui-ci reçoit la mort telle une ânesse1. [15]
bubhukṣitaḥ kiṁ na karoti pāpaṁ kṣīṇā narā niṣkaruṇā bhavanti।
ākhyāhi bhadre priyadarśanasya na gaṅgadattaḥ punareti kūpam॥15॥
« Quel péché ne commet pas un affamé ! Les hommes altérés sont sans pitié.
Ô bien-aimée ! Va dire (au serpent) Priya-darshana2 que (la grenouille) Ganga-datta3 n’ira plus au puits. » [16]
1 On raconte que lorsqu’une ânesse éprouve les douleurs de l’accouchement, son ventre explose et lorsque l’ânon est né, elle meurt. Ici, pas de rémission pour cette ingratitude de la part du crocodile !
2 Nom propre, « Charmante-vision ».
3 Nom propre, « Don du Gange ».